Comprendre les virages d’un nageur pour accélérer l’apprentissage grâce à la théorie des coordinations dynamiques

Les parties "non nagées" sont cruciales, il est important de comprendre ce que fait un nageur à un instant lors de cette transition. Ses actions révèlent sa représentation mentale. Qu'est ce qui guide son action aujourd'hui ? Et donc sur quoi agir pour lui permettre de passer un cap ?

Rappels physiques

Un virage efficace c'est un virage qui conserve l'énergie du nageur pour la réorienter dans la nouvelle direction. Cela se fait bien entendu en peu de temps sinon il n'y a pas de conservation mais un amortissement.

A partir d'une vitesse initiale linéaire, et d'une énergie cinétique, pour tourner rapidement, il faut être le plus prêt possible du centre de rotation, groupé dans notre cas. A énergie constante, cela permet d'accélérer la rotation et de permettre un "rebond" sur le mur au moment de l'impulsion pour repartir dans la direction  opposée. 

L'énergie nécessaire pour la rotation d'une masse m autour d'un axe est proportionnelle à la distance au carré r² entre cette masse et l'axe de rotation. Cela signifie qu'écarter la tête, lourde, a plus d'impact que la main pour une même distance. La main peut elle s'éloigner beaucoup plus si le bras est tendu, ce qui est donc défavorable.

Quelles sont les coordinations repérables ?

Avant ou pendant l'apprentissage des virages, voici quelques coordinations repérables ainsi que ce qu'elles nous indiquent sur le fonctionnement du nageur :

  • La tête se relève pour voir le mur arriver. Le nageur cherche une information. Le cou est en extension avant la touche du mur.
  • La tête se relève dès que le mur est touché pour respirer. La ventilation subordonne les autres actions. Le cou est en extension après la touche du mur.
  • Le nageur se retourne dès la touche au mur et regarde le mur opposé où il souhaite se rendre. Le nageur cherche une information. Le cou est en rotation après la touche du mur.
  • Après la rotation, les pieds sont posés au mur très en profondeur. La poussée se fait dans une direction ascendante. Il n'y aura pas de coulée possible.
  • Le menton est rentré sur la poitrine lors d'une poussée sur le dos soit pour voir le mur (problème informationnel) soit, plus probable, pour éviter que l'eau rentre dans le nez (ventilation subordonnante). Le cou est en flexion lors de la poussée.

Si l'on observe bien ces différentes coordinations un critère observable semble se dégager : la position de la tête. En coordination dynamique, la flexion/extension du cou ou sa rotation autour de la colonne sera un paramètre d'ordre. A lui seul, ce critère et son évolution au cours du virage permet de différencier les différentes organisations motrices, comprendre les principales fonctions qui subordonne son action et donc savoir sur lesquelles agir.

Il est important de noter que l'on peut en complément utiliser le critère du l'écart entre les genoux et la poitrine. Si le nageur n'est pas groupé, la rotation sera lente et la coordination utilisée sera dans la liste ci dessous (probablement A,C ou D).

Pistes envisagées pour découvrir une coordination globale plus efficace

Lors d'une phase d'apprentissage, nous pouvons imposer des contraintes, que la théorie des coordinations dynamiques appelle des paramètres de contrôle, afin que le nageur ne puisse plus utiliser sa coordination précédente. Il sera alors contraint de trouver une nouvelle façon de faire et si les paramètres de contrôle sont bien choisis, ces nouvelles façons de faire lui permettront de dépasser ses limites à la fois lors de la situation d'apprentissage mais également lors de la situation visée du virage en course.

Selon les 5 types coordinations repérées précédemment :

- deux sont orientées par le regard (A et C). La fonction de prise d'information est subordonnante dans la coordination.

- deux sont limitées par la gestion des voies respiratoires (B et E).  La fonction de ventilation est subordonnante.

- une est limitante pour la coulée qui va suivre (D). Elle n'est en soit pas limitante pour le virage mais plutôt pour la conservation de l'énergie cinétique du nageur puisqu'elle impose de se déplacer en surface aussitôt le mur quitté.

Pour explorer le paysage des attracteurs, c'est à dire les coordinations stables et trouver la plus efficace, il faut des paramètres de contrôle, autrement dit des contraintes qui ne modifie pas directement le paramètre d'ordre mais qui impose au nageur de modifier son comportement. Si le paramètre de contrôle est bien choisit, la liberté exploratoire du nageur sera orientée dans la bonne direction et permettra la découverte d'un nouvel attracteur. Voyons ce que l'on peut utiliser pour chacune des situations.

  • Le paramètre de contrôle ici serait un repère sensitvo-sensoriel : l'étirement de la nuque. C'est un repère déjà donné pour maintenir l'alignement en crawl. Si le nageur ne le respecte plus à l'approche du virage, il ne le maintien probablement pas suffisamment dans la nage complète.
  • Comme  c'est la ventilation qui est subordonnante, on la supprime. Le paramètre de contrôle serait la profondeur du nageur lors du virage. Celui-ci doit être effectué sous la surface afin que la tête ne puisse pas sortir pour respirer. La respiration dans un virage sans culbute est possible mais ne doit pas être subordonnante. Les nageurs en sont autant capables dans un virage tel que celui-ci que lors d'un virage avec culbute.
  • La limite est ici d'ordre informationnel, donc on la supprime. Le paramètre de contrôle sera la profondeur à laquelle est effectué le virage, comme pour la situation B. Dans ce cas le nageur n'a plus la possibilité simple de tourner la tête pour regarder le mur car il se trouve sous l'eau. L'avantage d'avoir une situation commune pour des problèmes d'origines différentes permet de simplifier la situation d'apprentissage pour l'ensemble du groupe.
    L'approche du mur peut se faire en position hydrodynamique, sous la surface en déplacement par des battements de jambes.
  • Ici le nageur n'est pas groupé, on lui demande donc quelque chose d'impossible sans se grouper. Dans ce cas le paramètre de contrôle sera directement la position des pieds au moment du contact avec le mur. On demande que les pieds soient posés au dessus de la surface. Le nageur doit trouver la posture adéquate pour se servir de l'effet de l'eau sur son corps (corps flottant) ce qui favorisera la rotation et lui permettra de poser les pieds plus haut.
  • Pour cette coordination, c'est la gestion des voies respiratoires qui est subordonnante. Le nageur rentre le menton pour éviter qu'il se trouve orienté vers le haut et que l'eau ne rentre. Plusieurs solutions sont possibles : expirer lentement par le nez, obstruer le nez avec les lèvres (beaucoup de nageurs y parviennent). Toutes les situations nécessitant une orientation du nez vers la surface sont favorables et les solutions trouvées seront applicables aux virages. Par exemple, faire un maximum de roulades dans l'eau sans sortir la tête.

Ces coordinations repérables sont issues de virages sans culbutes mais une bonne partie est certainement valable pour les culbutes. Le cou ne sera en extension à aucun moment de la culbute, il n'y aura pas de rotation de la tête, les pieds doivent être posés hauts sur le mur etc... Ce qui peut être étudier en plus serait les vrilles nécessaires pour passer d'une position dorsale à ventrale lors de l'approche en dos ou la vrille pour passer d'une position dorsale à ventrale pour les culbutes crawl et qui ne sont pas abordées ici. Bien qu'indispensables, dans ma conception didactique, ces phases viennent après et seront plus faciles à apprendre lorsque les virages seront bien acquis. Possible que je publie un article à ce sujet lorsque je l'aurai abordé avec mes groupes. 

En tant qu'entraineur, on chercher tous à faire progresser les nageurs qui nous sont confiés. Alors on utilise toutes nos armes. Educatifs, séries, musculation, ppg... Parfois cela fonctionne. Parfois non.

Alors on recommence. Encore. Et encore.

On veut être le meilleur pour nos nageurs. Ils font la course et on veut qu'ils gagnent.

Mais s'ils sont en compétition, pourquoi devons nous l'être ?

Est ce qu'on veut que nos nageurs deviennent des gros poissons et restent bloqués dans leur bocal ou alors veut-on qu'ils aillent dans le grand bain avec tous les autres gros poissons ?

Si vous pensez être le meilleur entraineur du monde, avec vos secrets et vos recettes alors ce que je vous propose n'est pas pour vous.

Si vous avez quelques certitudes mais beaucoup d'interrogations, si vous pensez que vous pouvez faire mieux mais que vous avez besoin d'aide alors vous êtes au bon endroit.

Je n'ai pas la prétention d'avoir toutes les réponses à vos questions mais par l'échange on pourra probablement trouver de meilleurs solutions. Ensemble.

Coopérons. Vous, moi, et les autres qui ont la même vision. Ensemble, emmenons le plus de nageurs possible dans le grand bassin.

Sylvain

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