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Coordinations motrices en crawl et niveaux de fonctionnement

Lorsqu'un enfant se construit en tant que terrien, il commence par développer la marche. Puis la course. Développant à chaque fois une coordination motrice nouvelle et différente. Chacune étant identifiable par des critères observables. Dans l'approche dynamique des coordinations motrices, ces critères observables sont appelés paramètres d'ordre. 

Pour un terrien, un paramètre d'ordre de la coordination utilisée peut être le nombre d'appuis au sol en même temps. Pour la marche, un ou deux appuis (1 puis 2 puis 1 puis 2, 1, 2...). Pour la course, aucun ou un appui maximum (1 puis aucun puis 1 puis aucun, 1, aucun, 1...). Impossible de les confondre.

Si l'on imagine d'autres coordinations motrices pour se déplacer c'est la même chose :

  • Un déplacement en sauts de "kangourous" ? 2 pieds au sol puis aucun, puis 2, aucun, 2, ...
  • Un déplacement en sautillant comme on observe souvent les enfants dans les cours d'école ? 1 pied au sol, puis 2, puis 1, puis aucun, puis 1, 2, 1, aucun, 1, 2, 1, aucun...

Qu'en est il pour un nageur en crawl ?

La propulsion en crawl se fait par les bras. Dans le cadre de cet article, je me limiterai donc à la coordination des deux bras l'un par rapport à l'autre. Il est possible d'observer la coordination des jambes avec les bras mais on l'étudiera une autre fois.

Je dois donc répondre aux 3 questions :

  1. 1
    Quelles sont les coordinations repérables en crawl ?
  2. 2
    Quel est ou sont les paramètres d'ordre permettant d'observer le niveau de fonctionnement du nageur ?
  3. 3
    Comment les hiérarchiser d'un point de vue efficacité de fonctionnement ?

 Les niveaux de fonctionnement d'un nageur en crawl

Lorsque l'on observe des groupes de nageurs, on repère assez facilement différentes "façons" de nager le crawl. Ces coordinations spontanées sont stables. Elles constituent ce que l'approche dynamique des coordinations appelle des attracteurs. Si le nageur s'écarte de cette coordination, il y reviendra naturellement. La raison est que c'est pour lui, le meilleur compromis énergétique, la coordination qui possède le meilleur rendement parmi celles qu'il est capable de mettre en œuvre. C'est un optimum local. 

On peut faire évoluer à la marge la coordination mais pour élever de façon importante le niveau de fonctionnement du nageur, il est nécessaire de trouver un autre optimum

Transformer le nageur, c'est lui permettre d'explorer le paysage des attracteurs pour trouver des coordinations différentes qui offrent de nouvelles possibilités. On recherche alors un optimum global meilleur qui a le potentiel d'un meilleur rendement que l'optimum local.

Les différentes coordinations que l'on observe doivent être hiérarchisées en fonction du rendement potentiel qu'elles offrent au nageur. L'entraîneur s'attachera ensuite à faire progresser le nageur dans ces niveaux de fonctionnement.

Voilà celles que j'observe régulièrement, classées du plus bas au plus haut niveau de fonctionnement :

Crawl avec un temps d'arrêt aux cuisses.

Ici le nageur marque un temps d'arrêt ou ralentissement à chaque fois que sa main arrive aux alentours de sa cuisse.

Pour une action propulsive, l'autre bras se trouve en arrière des épaules. Les pieds sont donc plus bas et le corps dans une mauvaise position pour glisser loin. Le rendement n'est pas bon.

Si je me réfère au "Petit livret des niveaux de construction du nageur" de Marc Begotti, l'observation de cette coordination permet d'identifier le niveau du nageur. Les obstacles qu'il rencontre se situent probablement au niveau 2 (Construction du Corps Projectile) ou 3 (Ebauche du Corps Propulseur).

Crawl en opposition

Ici le nageur a les bras majoritairement à l'opposé l'un de l'autre. Lorsqu'un bras arrive à la cuisse, l'autre entre dans l'eau. Lorsqu'un bras commence son retour aérien, l'autre débute sa phase aquatique.

Lors d'une action propulsive, l'autre bras est "jeté" en avant. Il y a une volonté d'aller loin mais le retour rapide couplé à une action propulsive "à toute vitesse" ne facilite pas la propulsion. La glisse n'est pas optimale non plus étant donné qu'un des bras est au-dessus de la surface.  Le rendement a augmenté mais il est possible de l'améliorer encore.

A ce stade, le niveau de construction où se situe le nageur est probablement le niveau 3 (Ebauche du Corps Propulseur).

Crawl en semi-rattrapé

Ici le nageur utilise un mouvement d'intensité croissante sous l'eau ce qui permet au retour aérien d'être plus rapide. Le bras sur la phase de retour se déplace plus vite que le bras sous la surface, cela crée un déphasage. Le bras à l'avant "attend" celui qui revient.

Lors de la préparation d'une action propulsive, l'autre bras est déjà en avant des épaules. Les pieds sont hauts. Avant la propulsion, l'autre bras se place très rapidement en position hydrodynamique. Pendant la propulsion, le corps est plus à l'horizontale et dans une posture permettant une distance parcourue plus grande à chaque coup de bras. Le rendement de cette coordination est très élevé une fois stabilisé.

Cette fois les obstacles rencontrés par le nageur sont probablement de l'ordre du niveau 5 (Construire les conditions de l'efficacité propulsive) car il aura besoin d'une force d'intensité croissante sous l'eau pour que le déphasage entre les bras ait du sens.

Le paramètre d'ordre pour identifier la coordination

Le paramètre d'ordre de ces différentes coordinations est la phase relative des bras l'un par rapport à l'autre. Autrement dit, lorsqu'un bras est dans une position, où se trouve l'autre ? Je fais cette observation lorsque le bras débute sa phase de propulsion (ce qui est différent du moment où le bras entre dans l'eau).

- En crawl avec temps d'arrêt aux cuisses, la phase relative évolue au cours du mouvement. Elle est la plus faible lorsque le bras arrive à la cuisse.

- En crawl en opposition, la phase relative est grande et à peu près constante. Les bras sont majoritairement à 180° l'un de l'autre.

- En crawl en semi-rattrapé, la phrase relative évolue au cours du temps. Elle est la plus faible à l'avant du corps.


Dans cette liste, je ne place pas volontairement le crawl en rattrapé. Ce n'est pas une coordination spontanée que j'observe. De mon expérience, lorsqu'un nageur l'utilise, elle est toujours apprise. 

Avez-vous des observations différentes ? Voyez vous des coordinations différentes émerger ?

Une fois ces niveaux de fonctionnement identifiés, l'étape suivante est de transformer le nageur pour qu'il élève son niveau de fonctionnement. Sans aller dans le détail dans cet article, l'approche dynamique nous enseigne qu'il est nécessaire de repousser les limites du paysage des attracteurs pour que le nageur puisse l'explorer et trouver de nouvelles coordinations, de nouveaux attracteurs possédant un potentiel de rendement plus élevé. J'ajouterai probablement un lien ici lorsque j'aurai publié cela.

Dans l'attente de vos remarques dans les commentaires.

En tant qu'entraineur, on chercher tous à faire progresser les nageurs qui nous sont confiés. Alors on utilise toutes nos armes. Educatifs, séries, musculation, ppg... Parfois cela fonctionne. Parfois non.

Alors on recommence. Encore. Et encore.

On veut être le meilleur pour nos nageurs. Ils font la course et on veut qu'ils gagnent.

Mais s'ils sont en compétition, pourquoi devons nous l'être ?

Est ce qu'on veut que nos nageurs deviennent des gros poissons et restent bloqués dans leur bocal ou alors veut-on qu'ils aillent dans le grand bain avec tous les autres gros poissons ?

Si vous pensez être le meilleur entraineur du monde, avec vos secrets et vos recettes alors ce que je vous propose n'est pas pour vous.

Si vous avez quelques certitudes mais beaucoup d'interrogations, si vous pensez que vous pouvez faire mieux mais que vous avez besoin d'aide alors vous êtes au bon endroit.

Je n'ai pas la prétention d'avoir toutes les réponses à vos questions mais par l'échange on pourra probablement trouver de meilleurs solutions. Ensemble.

Coopérons. Vous, moi, et les autres qui ont la même vision. Ensemble, emmenons le plus de nageurs possible dans le grand bassin.

Sylvain

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